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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/388

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passion qu’elle avoit pour lui lui tenant lieu d’esprit, dont elle n’étoit pas trop bien partagée de sa nature [1], elle conçut que madame de Montespan la jouoit, et que le grand Alcandre étoit mieux avec elle qu’elle n’avoit cru jusque-là.

D’abord que ce soupçon se fut emparé de son esprit, elle les observa de si près, qu’elle ne fit plus de doute qu’on la trompoit. Et sa passion ne lui permettant pas de garder plus longtemps le secret, elle s’en plaignit tendrement au grand Alcandre, qui lui dit qu’il étoit de trop bonne foi pour l’abuser davantage ; qu’il étoit vrai qu’il aimoit madame de Montespan, mais que cela n’empêchoit pas qu’il ne l’aimât comme il devoit ; qu’elle se devoit contenter de tout ce qu’il faisoit pour elle, sans désirer rien davantage, parce qu’il n’aimoit pas à être contraint.

Cette réponse, qui étoit d’un maître plutôt que d’un amant, n’eut garde de satisfaire une maîtresse aussi délicate qu’étoit madame de La Vallière : elle pleura, elle se plaignit ; mais le grand Alcandre n’en étant pas plus attendri pour tout cela, il lui dit pour une seconde fois que, si elle vouloit qu’il continuât de l’aimer, elle ne devoit rien exiger de lui au delà de sa volonté ; qu’il désiroit qu’elle vécût avec madame de Montespan comme par le passé, et que, si elle témoignoit la moindre chose de désobligeant à cette dame, elle l’obligeroit à prendre d’autres mesures.

  1. Mademoiselle de Montpensier dit, avec sa malignité familière : « Elle est une bonne religieuse et passe présentement pour avoir beaucoup d’esprit ; la grâce fait plus que la nature, et les effets de l’une lui ont été plus avantageux que ceux de l’autre. » (VI, 355.)