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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/391

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Alcandre et elle, cela n’empêcha pas qu’elle n’eût de la confusion qu’on la vît en l’état où elle étoit. Cela fut cause qu’elle inventa une nouvelle mode, qui étoit fort avantageuse pour les femmes qui vouloient cacher leur grossesse, qui fut de s’habiller comme les hommes, à la réserve d’une jupe, sur laquelle, à l’endroit de la ceinture, on tiroit la chemise, que l’on faisoit bouffer le plus qu’on pouvoit et qui cachoit ainsi le ventre.

Cela n’empêcha pourtant pas que toute la cour ne vît bien ce qui en étoit ; mais comme il s’en falloit peu que les courtisans n’adorassent ce prince, leur encens passa jusqu’à sa maîtresse, chacun commençant à rechercher ses bonnes grâces. Comme elle avoit infiniment de l’esprit, elle se fit des amis autant qu’elle put, ce que n’avoit pas fait madame de La Vallière, qui, pour montrer au grand Alcandre qu’elle n’aimoit que lui, n’avoit jamais voulu rien demander pour personne. Ainsi on ne se fut pas plus tôt aperçu du crédit de sa rivale, que chacun prit plaisir à s’en éloigner. De quoi s’étant plainte au maréchal de Grammont [1], il lui répondit que, pendant qu’elle avoit sujet de rire, elle devoit avoir eu soin de faire rire les autres avec elle, si, pendant qu’elle avoit sujet de pleurer, elle vouloit que les autres pleurassent aussi.

Madame de La Vallière, se voyant ainsi abandonnée de tout le monde, résolut de se jeter dans un couvent ; et, ayant choisi celui des Carmélites, elle s’y retira et y prit l’habit quelque temps après, où elle vit, dit-on, en grande sainteté,

  1. Voy. t. 1, p. 135 et suiv.