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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/459

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Toutes ces raisons n’adoucirent point l’esprit de la duchesse, qui étoit hautaine et méprisante ; et, l’ayant fait sortir de sa chambre, elle lui défendit de la revenir voir jamais, s’il ne vouloit s’exposer à un traitement beaucoup plus rude. L’Avocat s’en alla le cœur gros ; poussant des soupirs et ayant enfin toutes les envies du monde de pleurer ; mais comme il avoit à passer la cour de l’hôtel de La Ferté, qui est fort grande, et qu’il craignoit là de rencontrer quelqu’un, il retînt ses larmes jusqu’à ce qu’il fût dans son carrosse.

Comme il y montoit, il vint un des gens du maréchal de La Ferté lui dire que son maître vouloit lui parler avant qu’il s’en allât ; ce qui fut cause qu’il tâcha encore de les retenir. Et après avoir raccommodé sa perruque et son rabat, qui étoient un peu en désordre, il monta dans l’appartement du maréchal, où il trouva une dame fort bien faite avec quelques gentilshommes, qui étoient là les uns et les autres pour une querelle qu’ils avoient ensemble. Le maréchal lui dit qu’il lui avoit donné la peine de monter pour voir s’il n’y auroit point moyen de les accommoder sans les obliger de venir à une assemblée générale des maréchaux de France [1] ; et que comme il y avoit eu quelques procédures de faites de part et d’autre, et que cela le regardoit

  1. Les maréchaux de France formoient un tribunal d’honneur qui jugeoit toutes les contestations personnelles soulevées entre gentilshommes. Ils avoient des lieutenants dans différentes villes du royaume. Il existe des recueils d’édits concernant cette juridiction, établie pour accommoder les différends et empêcher les duels le plus possible.