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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/473

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l’on aime soient beaucoup plus sensibles que celles que l’on reçoit des autres, il ne laissa pas tomber ce reproche à terre, et, demandant à madame de Montespan quels étoient donc ces défauts, il lui reprocha lui-même les siens, dont madame de Montespan fut si touchée, qu’elle lui répondit que si elle avoit les imperfections dont il l’accusoit, du moins elle ne sentoit pas mauvais comme lui.

Comme c’étoit dire par là au grand Alcandre tout ce qu’il y avoit de plus désobligeant, il est impossible de dire combien ce reproche lui fut sensible. Il lui répondit de son côté des choses qui la devoient toucher et la faire rentrer en elle-même, si elle eût eu encore quelques sentimens de vertu ; mais, s’étant entièrement abandonnée à ses passions, elle continua ses reproches, qui n’auroient pas fini si tôt, sans ce que je vais rapporter. Il faut savoir que, comme ils se querelloient ainsi fortement, le prince de Marsillac [1] arriva à la porte du cabinet où ils étoient. Le grand Alcandre lui avoit permis d’entrer partout où il seroit, sans en demander permission : ainsi, il avoit déjà le pied dans la porte, quand il entendit au son de la voix de ce prince qu’il étoit en colère. Il s’arrêta tout court, et étant bien aise de savoir s’il trouveroit bon qu’il entrât, il commença à crier tout haut : « Huissier ! huissier ! » Et comme il n’y en avoit point, il dit encore plus haut : « Qui est-ce donc qui m’annoncera, et

  1. Le prince de Marsillac étoit François de La Rochefoucauld, fils de l’auteur des Maximes et de Andrée de Vivonne. Le prince de Marsillac, né le 15 juin 1634, mourut le 12 janvier 1714.