Aller au contenu

Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/476

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à quoi le prince de Marsillac n’eut pas beaucoup de peine, n’étant venue à la Cour que dans le dessein de plaire au grand Alcandre.

En effet, ses parents, la voyant si belle et si bien faite, et ayant plus de passion pour leur fortune que de soin pour leur honneur, boursillèrent entre eux pour pouvoir l’envoyer à la cour et pour lui faire faire une dépense honnête et conforme au poste où elle entroit [1]. Or, comme ils lui avoient donné des leçons là-dessus, elle les mit en pratique dès le moment que le prince de Marsillac lui eut parlé de la part du grand Alcandre. Elle lui dit donc qu’elle recevoit avec joie la déclaration qu’il venoit de lui faire de sa part ; que ce prince avoit des qualités si touchantes qu’il faudroit qu’elle fût de bien mauvaise humeur pour n’être pas charmée de sa passion ; mais qu’avec tout cela elle ne pouvoit pas prendre grande confiance en ce qu’il venoit de lui dire, tant que madame de Montespan posséderoit ses bonnes grâces ; qu’elle étoit jalouse naturellement ; qu’ainsi elle ne seroit point fâchée que le grand Alcandre sût que, quoiqu’il y eût beaucoup de gloire à posséder la moindre partie de son cœur, elle étoit assez délicate, néanmoins, pour n’en vouloir à ce prix-là ; qu’aussi bien ce n’étoit peut-être pas une véritable passion que celle qu’il sentoit pour elle, mais quelque feu passager qui seroit aussitôt éteint qu’allumé ; que

  1. Les filles d’honneur de la reine avoient deux cents livres de gages : celles de Madame ne pouvoient être rétribuées beaucoup plus largement, quoique chez Monsieur et chez Madame plusieurs charges fussent plus avantageuses que chez le Roi.