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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/51

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et pitoyable, et sans doute qui veut que son corps aime quelque chose ; elle est sincère et fidèle, éloignée de toute coquetterie, et plus capable que personne du monde d’un grand engagement ; elle aime ses amis avec une ardeur inconcevable, et il est certain qu’elle aima le Roi par inclination plus d’un an avant qu’il la connût, et qu’elle disoit souvent à une amie qu’elle voudroit qu’il ne fût pas d’un rang si élevé. Chacun sçait que la plaisanterie que l’on en fit donna la curiosité au Roi de la connoître [1], et, comme il est naturel à un cœur généreux d’aimer ceux qui l’aiment, le Roi l’aima dès lors. Ce n’est pas que sa personne lui plût, car, comme s’il n’eût eu que de la reconnoissance, il dit au comte de Guiche [2] qu’il la vouloit marier à un marquis [3] qu’il

  1. Pour les détails sur ce commencement des amours du roi pour mademoiselle de la Vallière, voy. plus loin : Histoire de l’amour feinte du roi pour Madame.
  2. Armand de Grammont et de Toulongeon, comte de Guiche, fils du maréchal de Grammont et de Françoise Marguerite du Plessis-Chivray, né la même année que le roi, en 1638, marié en 1658 à Marguerite Louise Suzanne de Béthune, dont il n’eut pas d’enfants, mort le 29 novembre 1673, colonel du régiment des gardes et ami particulier du roi. Ses amours avec Madame sont ici longuement rappelés.
  3. Ne seroit-ce point Antonin Nompar de Caumont, marquis de Puyguilhem, depuis duc de Lauzun ? Quand madame de Sévigné annonça à M. de Coulanges cette nouvelle étonnante, surprenante, merveilleuse, miraculeuse, et le reste, elle lui dit que M. de Lauzun épousoit… « devinez qui ? » Madame de Coulanges dit : « Voilà qui est bien difficile à deviner : c’est madame de La Vallière. » — La lettre est de 1670. Mais nous voyons ici que le bruit dont madame de Sévigné se faisoit l’écho étoit antérieur. Mademoiselle de Montpensier, pour le combattre, il est vrai, le répète aussi : « On dit même qu’elle s’étoit mis en tête d’épouser M. de Lauzun. Je crois que ce sont ses ennemis qui firent courir ce bruit. Il a le cœur trop