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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/54

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que cependant je me suis si peu souciée de l’usage que j’ai loué ce qui véritablement est à vous ; si, par cette raison, vous croyez qu’il sera facile de flatter ma vanité, et de m’engager à vous répondre sérieusement sur ce chapitre, ah ! Sire, que Votre Majesté sçache qu’il ne vous seroit pas glorieux de faire ce personnage, et que votre sincérité et votre honneur sont les choses qui me charment le plus en vous. Je prendrois la liberté de vous blâmer dans mon cœur tout comme un autre homme, si je n’avois pas dans toute la France une personne assez à moi pour lui dire en confidence que votre vertu n’est pas parfaite. — Que j’estime vos sentimens, répliqua le Roi, de mépriser les vices jusque dans l’âme des monarques ! mais que j’ai lieu de me plaindre de vous si vous pouvez me soupçonner du plus honteux de tous les crimes ! Vrai Dieu ! quelle gloire y a-t-il de passer pour habile fourbe quand on sçaura par toute la terre que j’ai abusé la fille de France la plus charmante ; l’on dira aussi qu’infailliblement je suis le plus grand de tous les trompeurs. Est-ce là une belle chose pour un roi ? Non, Mademoiselle, croyez que je suis né ce que je suis, et que, grâces à Dieu, j’ai de l’honneur et de la vertu ; et, puisque je vous dis que je vous aime, c’est que je le fais véritablement et que je continuerai avec une fermeté que sans doute vous estimerez. Mais, hélas ! je parle en homme heureux, et peut-être ne le serai-je de ma vie. — Je ne sçais pas ce que vous serez, répliqua La Vallière, mais je sçais bien que, si le trouble de mon esprit continue, je ne serai guère heureuse. » La pluie qui survint en abondance