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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/99

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dont le cœur soit tendre et délicat, qui n’aiment leur amant que pour sa vertu, son amour et sa fidélité. — Jamais, interrompit Madame, jamais je n’avois si bien compris le plaisir qu’une amour secrète peut donner ; mais en vérité, Duchesse, je vois bien que notre beau Légat a rendu votre cœur merveilleusement savant ; vous m’en direz des particularités à Saint-Cloud, où je vous prierai de venir passer quelques jours avec moi. » Elle lui accorda, et se séparèrent à cette condition.

Allons retrouver le Roi, qui cause bien plus à son aise que ces dames ici de la joie qu’il a d’aimer et d’être aimé : c’est avec le duc de Saint-Aignan et madame de Montausier qu’il s’entretenoit pour lors ; et, sur une contestation qu’il y avoit entre le Duc et la dame, des effets d’une prompte inclination, le Roi écrivit ceci sur ses tablettes par un effet de sa mémoire ou de son esprit, j’ignore lequel, mais toujours est-il certain qu’il leur montra ces quatre vers :


Ah ! qu’il est bien peu vrai que ce qu’on doit aimer
Aussitôt qu’on le voit prend droit de nous charmer,
Et qu’un premier coup d’œil n’allume point les flammes
Où le ciel en naissant a destiné nos âmes !

L’on doit bien penser combien cela est divin, combien cela est ravissant. Il voulut que madame de Montausier, qui fait tout ce qui lui plaît, écrivît aussi quelque chose de son amour. Elle s’en défendit tout autant qu’elle put, et à la fin elle fit aussi ceux-ci, sur ce que le Roi dit qu’il étoit bien résolu de satisfaire son cœur, et qu’il se railloit de