Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/123

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ai distingué de tous les justiciers de mes terres, pour vous placer comme vous êtes ; de plus, je trouve en vous une certaine humeur civile, honnête et complaisante, qui me fait avoir un grand penchant pour vous ; c’est pourquoi je voudrois bien vous voir placé avantageusement dans votre second mariage, et pour cela j’ai envie de vous marier de ma main. »

D’abord le juge le remercia des éloges qu’il lui donnoit, de la bonté qu’il avoit pour lui, et de l’honneur qu’il recevoit journellement. « Mais, monsieur le marquis, dit-il, vous me parlez d’une chose à laquelle je n’ai encore eu aucune pensée depuis la mort de ma femme. Je ne doute pas que, venant de votre main, ce ne soit une personne qui ait infiniment de l’honneur et du mérite ; mais, Monsieur, pourroit-on savoir qui est cette personne ? —C’est, lui répondit le marquis, cette demoiselle que vous avez souvent vue dans le château, qui m’a été donnée pour gouvernante, et pour la vertu de laquelle j’ai assurément beaucoup d’estime. Elle a beaucoup d’esprit, et outre cela quatre mille livres que je lui veux bien donner, outre la première place vacante au présidial de Poitiers, que je m’offre de vous faire avoir. »

Le juge n’étoit pas ignorant, et dès lors qu’il entendit nommer Guillemette, il s’aperçut de l’appât, et prit résolution qu’il n’en feroit rien. Mais comme il étoit de son intérêt de ménager monsieur le marquis, il ne voulut pas le rebuter d’abord par un refus, ne doutant pas que l’autre, qui épioit tous ses gestes, ne se fût douté qu’il