Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

D’abord qu’elle l’aperçut, elle se mit en devoir de pleurer. Le Roi en voulut savoir la cause. « Hélas ! Sire, je pleure, dit-elle, ma foiblesse, qui laisse vaincre mon devoir et mon honneur ; car enfin il m’est à présent impossible de plus résister à votre volonté : vous êtes mon Roi, je vous dois tout…—Mais non, Mademoiselle, lui dit-il, je ne veux pas que vous fassiez rien par un devoir forcé. Je me dépouille auprès de vous de ma qualité de souverain ; dépouillez-vous de celle de cruelle, et agissez par un amour réciproque en aimant celui qui vous aime. »

Il lui dit ensuite quantité de choses fort tendres, auxquelles elle se laissa gagner, et ainsi le Roi vint dans ce moment à bout de son dessein[1] ; après diverses caresses réitérées, ils se séparèrent. A quelques jours de là, le Roi lui fit meubler un magnifique appartement, qu’il la pria d’accepter ; et ne voulant pas qu’elle fût en rien moindre que ses autres précédentes maîtresses, il lui chercha un titre, et enfin il lui donna celui de marquise de Maintenon[2] ; mais comme ce n’étoit qu’un titre honoraire[3], le Roi lui acheta cette

  1. Rien ne le prouve, au contraire, et ce passage d’une lettre souvent citée de madame de Maintenon est assez clair : « Je le renvoie souvent triste, mais jamais désespéré. »
  2. « Il est vrai que le Roi m’a appelée madame de Maintenon, et que je ferois bien autre chose pour lui que de changer de nom. » A en croire Saint-Simon, ce titre ne fut obtenu du Roi qu’à la suite de négociations où le Roi auroit parlé de madame Scarron en des termes fort opposés à l’estime qu’il avoit pour elle.
  3. On lit dans Madame de Maintenon peinte par elle-même : « C’étoit à une réponse bien naturelle du duc du Maine que madame de Maintenon avoit dû le premier bienfait de Louis XIV. Le Roi, dit madame de Maintenon, causant et