Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/20

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pieds la lettre funeste qui étoit la cause de sa peine sans qu’elle le sût ; elle la ramasse, elle l’ouvre, elle la lit, et y aperçoit aussitôt l’artifice de ses ennemis. Comme il lui étoit de la dernière importance de défaire au plus tôt le Roi de ses premières impressions, elle l’alla aussitôt trouver, lui fit connoître l’addition de quelques paroles, et lui fit avouer que c’étoit là ce qui avoit donné sujet à l’entretien précédent. Il la consola et lui promit de n’avoir dorénavant aucun égard à tous les rapports qu’on pourroit lui faire ; que jamais on n’effaceroit de son âme, par des craintes ridicules et mal fondées, l’affection qu’il lui avoit jurée, et qu’elle pouvoit entièrement se reposer de cela sur sa parole. — « Ah ! Sire, lui dit-elle en pleurant, si Votre Majesté souffre que la médisance aille si proche du trône, il est à craindre qu’elle n’épargne pas même dans la suite votre personne, quoique sacrée, et qu’elle ne viole ce qu’il y aura de plus saint. — Vivez en repos, dit le Roi, j’y mettrai ordre. »

On eut bien de la peine à découvrir qui étoit l’auteur de la tragédie ; la lettre étoit venue entre les mains du Roi par une personne hors de soupçon, et qui, en effet, n’étoit point coupable. Les sentimens étoient entièrement divisés : les uns attribuoient ce coup à La Vallière[1], disant qu’au milieu de son cloître elle ne

  1. Voici un passage de madame de Sévigné qui est bien de nature à détruire ce soupçon : « La Reine a été deux fois aux Carmélites avec Quanto (madame de Montespan). Cette dernière causa fort avec sœur Louise de la Miséricorde ; elle lui demanda si tout de bon elle étoit aussi aise qu’on le disoit. — « Non, répondit-elle ; je ne suis point aise, mais je