Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/205

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venoit pas d’une personne indifférente. La curiosité ou la jalousie, qui est assez naturelle aux femmes, la poussa à railler Monseigneur, qui s’en défendit le mieux qu’il put. La princesse le pria que, si cette lettre n’étoit pas de quelque belle, il lui permît seulement de voir le dessus ; mais le Dauphin, qui connoissoit par expérience que la princesse ne pouvoit rien tenir de caché au Roi, de qui elle est toujours fort aimée[1], n’eut garde de lui accorder sa demande, et aima mieux la laisser juger par conjecture que de la confirmer par la vue de la suscription et du cachet. La princesse ne put donc se satisfaire par cette voie, car, quoique Monseigneur ait le renom de parler beaucoup, néanmoins il est fort secret en amour. De plus, il sait aussi par expérience que, sur le moindre vent que le Roi en a, il est sûr d’être traversé et chagriné d’une manière ou d’autre ; c’est pourquoi il faut que le Dauphin soit secret, malgré qu’il en ait. Mais comme la princesse de Conti ne put rien obtenir par sa raillerie et ses prières, elle s’avisa d’un autre stratagème. « Je gage tout ce qu’il vous plaira, dit-elle au Dauphin, que je devine de qui est cette lettre. — Madame, je ne vous conseille pas de gager, lui répondit Monseigneur, car vous pourriez perdre, parce qu’elle vient d’une personne qui n’a pas l’honneur d’être connue de vous. » Mais elle, adroite et fine : « Si je la nomme, continua-t-elle, me l’avouerez-vous ? » Le Dauphin, qui tâchoit de changer de discours, parla d’autres choses, sans

  1. Malgré la haine qu’elle portoit à madame de Maintenon. (Voy. ci-dessus, p. 163.)