Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/208

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par sa lettre, et de l’entretenir de ce qui s’étoit passé dans la conversation de nos deux prélats et de madame la princesse de Conti. La comtesse, quoique fort courageuse, ne laissa pas de jeter des larmes, et, embrassant fort tendrement son amant, lui dit mille douceurs qui attendrirent si fort le cœur de ce prince qu’il ne put s’empêcher de mêler ses larmes avec les siennes, et lui promit avec serment qu’il ne l’abandonneroit jamais, et qu’elle en verroit des preuves dès aussitôt qu’il seroit le maître absolu de sa personne. « Oui, lui dit le Dauphin en l’embrassant, si j’avois la même liberté qu’un particulier, je ferois de ma maîtresse ma femme, pour faire enrager vos ennemis, et soyez assurée que votre bonheur augmentera à proportion de leur envie. » A ces paroles, la comtesse, qui se figuroit être déjà sur les premiers degrés du trône, s’écria, pâmée de joye : « Ah ! mon ange ! mon cher cœur ! quel plaisir et quel bonheur seroit le mien de pouvoir posséder un jour sans aucun trouble ni interruption le plus cher et le plus aimable de tous les princes du monde ! Du moins, mon cher ange, poursuivit-elle tout en transport, ton choix seroit plus honorable que celui du Roi, puisqu’il y a une grande différence entre moi et la vieille Maintenon. — Il est vrai, répondit le Dauphin ; mais ne savez-vous pas, madame, que les goûts sont différents ? L’un aime la brune et l’autre la blonde, et par ce moyen chacun trouve à se loger. »

Je ne vous dirai pas tout ce qui se passa ensuite entre ces deux amants, parce qu’ils étoient seuls quand ils goûtèrent les doux plaisirs que l’amour inspire ; mais au sortir de cette conversation, madame