Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/258

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tellement que voyant qu’il n’avoit pas l’esprit de la tirer de ce mauvais pas : « Voilà de quoi vos folies sont cause, dit-elle à ce comte. Vous avez fermé la porte contre ma volonté, et monsieur le duc aura vu sans doute que vous vous êtes émancipé à quelque bagatelle. — Pardonnez-moi, Madame, en vérité, lui répondit le duc de Sault, ce n’est point une bagatelle que ce que j’ai vu, à moins que vous n’appeliez de ce nom-là ce que nous appelons, nous autres, bonne fortune. Mais n’en rougissez pas : le comte de Fiesque en vaut bien la peine, et avouez-moi seulement que le plaisir en est tout autre quand on a eu quelque petite brouillerie. »

Madame de Cœuvres entra sur ces entrefaites, et tira sa mère d’un grand embarras : car le duc de Sault, qui se sentoit pour elle, non pas une grande passion, mais du moins assez d’attachement pour prendre plaisir à l’entretenir, la tira dans la ruelle et donna moyen à ces amants de se remettre de leur trouble. Madame de Lionne, qui avoit le cœur grand, c’est-à-dire à qui un seul amant ne suffisoit pas, ne fut pas plutôt sortie d’une inquiétude qu’elle entra dans une autre. En effet, quoiqu’elle eût promis secours au duc, il lui sembla que sa fille écoutoit trop attentivement ses raisons, et à chaque parole qu’il lui disoit, elle prêtoit l’oreille pour voir si elle ne se trompoit point.

Le comte de Fiesque remarqua sa distraction, et lui en fit la guerre ; mais il lui fut impossible de la détourner de son dessein. Enfin elle s’aperçut effectivement, comme elle se l’étoit imaginé, que sa fille étoit tout attendrie, et elle n’en douta plus,