Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/262

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de mes noces…. Mais je n’ai garde de vous le dire, je vous ferois trop de honte ; cependant c’est un mari, et vous êtes un amant. Mais quel amant ! un amant qui n’a pris ce nom-là que pour m’abuser, et qui, dès la première entrevue, me fait voir quelle confiance je dois avoir en lui. Mais encore vaut-il mieux que je n’aie pas été trompée plus longtemps ; il y a remède partout, et je sais le parti que je dois prendre. » Le duc de Sault n’étoit guère honteux de lui-même, toutefois il le fut à ces reproches, et pria madame de Cœuvres de se laisser voir à découvert, lui assurant que cela rétabliroit toutes ses forces.

C’étoit quelque chose qu’une promesse comme celle-là, et il y en auroit eu à sa place qui n’auroient pas hésité à lui accorder ce qu’il demandoit ; mais, soit qu’elle se défiât de ses beautés cachées, ou qu’elle crût cela fort inutile, elle n’en voulut rien faire : de sorte que dès cette première entrevue ils commencèrent à être mécontents l’un de l’autre.

S’étant séparés de la sorte, ils ne prirent pas d’autre rendez-vous sitôt ; ce qui désespéra madame de Lionne, qui étoit tellement alerte sur ce qui les regardoit, que le marquis de Cœuvres n’eût su l’être davantage. Cependant, comme ce qu’elle avoit vu ne lui permettoit pas de douter de leur intelligence, elle crut qu’ils étoient encore plus fins qu’elle, et prit un étrange parti là-dessus : ce fut de faire avertir le marquis de Cœuvres de prendre garde à la conduite de sa femme. C’étoit un si pauvre homme que ce marquis, qu’on résolut d’assembler sa famille sur cette affaire.