Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/28

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Ah ! elles ne le sont que trop pour faire souffrir un cœur qui est sensible à l’amour ! » Elle dit cela avec un air si embarrassé que ce trouble acheva de charmer le Roi, et on peut dire que sa pudeur lui fut pour lors d’un usage merveilleux, parce que, sa rougeur donnant une nouvelle vivacité à son teint, elle parut aux yeux du Roi la plus belle et la plus aimable qu’il eût jamais vue[1]. Ils se séparèrent, et le Roi lui dit en la quittant : « Je me suis bien aperçu, mademoiselle, que la pudeur a empêché votre amour de dire tout ce qu’il pensoit ; je demande qu’il s’exprime avec plus de liberté sur le papier, et j’attends un billet de votre part. » A la sortie des Tuileries, M. de Louvois vint au devant de Sa Majesté pour lui communiquer quelques affaires ; le Roi lui dit, en parlant de mademoiselle de Fontange, qu’il n’avoit jamais vu une fille si fière et dont la vertu fût plus difficile à ébranler. M. de Louvois, qui savoit de qui le Roi parloit, lui dit : « Eh quoi ! Sire, une fille peut-elle conserver de la fierté auprès de Votre Majesté ? — Sans doute, reprit-il ; mais aussi j’espère que, quand l’amour se sera une fois rendu le maître de ce cœur, qui lui a si longtemps résisté, comme il ne seroit pas assuré d’y rentrer quand il voudroit, il n’abandonnera pas facilement la place. »

Cependant mademoiselle de Fontange fit un fidèle rapport à madame de D. L. M. « C’est à

  1. La princesse Palatine, mère du Régent, représente Mlle de Fontanges comme « charmante, mais sans esprit. » — « Elle étoit décidément rousse, mais belle comme un ange de la tête aux pieds. C’étoit une femme furieusement romanesque. »