Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/280

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éprouvé ses forces et qu’elle savoit qu’elles n’étoient pas suffisantes pour toutes deux, elle ne voulut jamais souffrir qu’il la quittât. Mais lui, de son côté, s’étant obstiné à n’en rien démordre, elle proposa un milieu à cela, qui fut d’aller quérir elle-même sa fille. Il accepta sa proposition, ne se pouvant tirer autrement de ses mains. Mais, avant qu’elle y allât, elle le conduisit dans sa chambre, où elle l’obligea de se mettre au lit, lui disant qu’elle alloit amener sa fille, et qu’il coucheroit entre deux. Si le scrupule eût été grand chez le duc de Sault, une pareille proposition étoit capable de l’effrayer ; mais, les gens de Cour n’ayant peur de rien, il lui fit réponse qu’il les attendoit de pied ferme, et qu’il y avoit longtemps qu’il n’avoit mis du Polville. La dame étoit si pressée de ses nécessités, qu’elle eût vu volontiers à l’heure même s’il lui disoit vrai ou non ; mais, lui n’en étant pas d’accord, il lui fallut aller quérir sa fille, qui attendoit le duc en bonne dévotion. Ainsi elle ne fut point surprise d’entendre marcher dans son antichambre ; mais, quand au lieu de lui elle vit sa mère, elle le fut beaucoup. Si madame de Lionne n’eût pas craint de perdre le temps, elle lui auroit demandé volontiers pourquoi elle veilloit si tard, et si c’étoit son mari qu’elle attendoit ; mais, [le temps] lui étant extrêmement cher, elle ne lui fit point de questions inutiles. En effet, tout son compliment aboutit qu’elle vînt dans sa chambre, et qu’elle avoit quelque chose de conséquence à lui apprendre.

Quoique ce compliment fût positif, madame de Cœuvres, qui appréhendoit de manquer son rendez-vous, chercha à s’en excuser ; mais sa