Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

goût de monsieur de Lionne, fut suivi tellement qu’ils congédièrent le duc de Sault, qui, tout brave qu’il étoit, fut ravi de se voir hors de leurs mains. Après cela l’évêque, sous prétexte d’aller faire une correction à sa nièce, la mena dans la chambre, où, l’ayant sommée de lui tenir parole, elle ne l’osa refuser, de peur qu’il ne la perdît auprès de son mari et de toute sa famille. En ayant obtenu ce qu’il désiroit, comme il ne pouvoit ignorer qu’elle ne l’avoit fait que par crainte, il eut peur qu’elle ne retournât à ses premières affections ; si bien que, pour la dépayser, il fit en sorte que son mari l’envoyât dans ses terres, qui étoient voisines de son évêché. Cela produisit un bon effet, car il fit une résidence plus exacte qu’il n’avoit fait encore dans son diocèse. Ce petit commerce dura un an ou deux ; mais des intrigues d’État l’ayant appelé hors du royaume[1], l’ambition prit la place de l’amour, et finit un inceste à quoi la marquise ne s’étoit abandonnée qu’à son corps défendant.

Pour ce qui est de madame de Lionne, son mari ; ne la pouvant plus souffrir devant ses yeux, la mit en religion ; ce qui donna lieu de causer au public, qui ne douta point néanmoins que ce ne fût pour quelque amourette : car la dame avoit la réputation d’être fragile, en quoi certes l’on ne se trompoit pas. Cependant, comme chacun étoit en peine de savoir au vrai tous les tenants et tous les aboutissants, le duc de Sault prit soin de les apprendre. Il publia lui-même son aventure,

  1. Le cardinal d’Estrées fit, en effet, plusieurs voyages à Rome, postérieurement à l’époque qui nous occupe.