Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/301

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son favori fût grand, aussi bien que le penchant à la débauche, néanmoins le soin de sa propre vie allant encore beaucoup au delà, elle rompit toute sorte de commerce avec lui, si bien qu’elle voulut qu’il sortît de sa maison. Plusieurs pourparlers précédèrent une déclaration si surprenante, afin de lui faire trouver la chose moins fâcheuse. Elle lui fit part même de l’avis qu’elle avoit reçu, pour lui faire voir qu’il n’y avoit que la nécessité qui l’y obligeât ; mais, soit qu’il crût que tout cela n’étoit qu’un prétexte, ou que sa destinée l’entraînât dans le précipice où il tomba bientôt, il lui demanda huit jours pour se résoudre ; ce que ne lui ayant pu refuser, il divulgua pendant ce temps-là sa sortie, dont le maréchal ayant été averti, il le fit passer du service de sa femme au sien, de peur que sa retraite ne le mît à couvert de la vengeance qu’il méditoit.

La pensée que ce valet de chambre eut que sa présence réveilleroit des feux qui lui avoient été si agréables lui fit accepter le parti sans en avertir la maréchale. Ce qui étant venu à sa connoissance, elle en pensa mourir de douleur, car elle croyoit éteindre le souvenir de ce qui s’étoit passé, par sa retraite, supposant que, son mari n’en étant pas instruit à fond, il se déferoit peu à peu des soupçons qu’il auroit pu concevoir. Le maréchal, pour mieux assurer son ressentiment, fit meilleure mine à ce nouveau venu qu’il ne faisoit à ses anciens domestiques, et, se servant de lui préférablement à tous les autres, il le conduisit insensiblement dans le précipice où il le fit tomber : car, s’en étant allé quelque temps