Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/305

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qu’une légère connoissance de votre mérite ; mais aujourd’hui que, pour quelques pourparlers que j’ai eus avec vous, j’ai eu moyen de voir des choses qui ne se découvrent pas facilement à personne, je vous avoue que je mentirois si je vous disois que je ne vous aime pas. Je sais bien, Madame, continua-t-il, que vous me pourrez dire que j’aime madame d’Olonne : cela est vrai, cela a été autrefois, mais cela n’est plus à l’heure que je vous parle, sans que je puisse encourir le blâme d’être inconstant. Elle m’a donné assez de sujet de me dégager par ses infidélités, outre qu’une personne comme vous est une excuse légitime pour quelque infidélité que ce puisse être. »

Ce compliment ne déplut point à la dame, quoique celui qui le lui faisoit lui eût donné peu de jours auparavant un conseil qui y étoit tout opposé : car, outre qu’on fait toujours plaisir à une femme de lui apprendre qu’on l’aime, elle avoit une secrète jalousie contre sa sœur, qui avoit plusieurs fois fait du mépris de sa beauté. Ainsi elle ne pouvoit mieux lui faire voir qu’elle avoit eu tort de la mépriser, qu’en lui ravissant un homme qui l’aimoit depuis longtemps, et qui, pour ainsi dire, lui tenoit lieu d’un second mari.

Ces deux raisons, jointes à quelques autres que je passerai sous silence, lui firent faire une réponse aussi douce que Beuvron la pouvoit souhaiter, puisque sans feindre seulement qu’elle ne croyoit pas ce qu’il lui disoit, elle ne se retrancha que sur la peine qu’il auroit d’oublier sa sœur, et sur la crainte qu’elle devoit avoir de son mari. A l’égard de l’un, il lui répondit que