Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

De tous les coups qu’a faits ce généreux vainqueur,
Soit pour prendre une ville ou pour gagner un cœur,
Le plus beau, le plus grand et le plus difficile
Fut la prise d’un cœur qui sans doute en vaut mille,
Du cœur d’Iris enfin, qui mille et mille fois
Avoit bravé l’Amour et méprisé ses lois.

Le Roi, impatient de voir ce que le duc écrivoit, lui tira ses tablettes devant même qu’il eût achevé. Il fit la lecture des vers et les trouva fort spirituels ; il les fit voir à sa maîtresse, qui les trouva fort bien tournés et fort galans. Le duc lui dit que la chose étoit imparfaite ; mais il lui répondit que, dans son imperfection même, il la trouvoit agréable, et qu’il lui demandoit un petit ouvrage sur ce sujet[1]. Le duc fit un remercîment à Sa Majesté de l’honneur qu’elle lui faisoit de lui commander de travailler sur une matière si noble et si charmante. Après ce compliment, le duc se retira, et laissa le Roi avec mademoiselle de Fontange. Il y passa presque toute la journée ; il ne mangea point en public, et la solitude eut pour lui des charmes qu’il n’auroit pas rencontrés dans la grandeur de sa Cour. De vous dire à quoi il employa tout le temps, ce seroit un peu trop pénétrer ; néanmoins nous avons lieu de croire que l’amour fut mis souvent sur le tapis, et quelquefois sur la couverture,

    existent encore au palais de Saint-Cloud. L’œuvre du peintre est au Louvre.

  1. Louis XIV restoit dans les traditions de Henri IV et de la plupart des seigneurs de son temps. On sait combien on trouve, dans les œuvres des poètes, de pièces écrites par eux à des dames au nom de leurs protecteurs.