Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’ailleurs que, s’il étoit incrédule, il étoit encore temps de s’en éclaircir, et qu’il n’avoit qu’à demander à voir pour juger qu’on ne lui en vouloit point imposer. Il est aisé de juger de l’effet qu’un pareil avis produisit dans l’âme d’un homme si violent. S’il eût pu se lever, la maréchale n’avoit qu’à se bien tenir ; mais, par bonheur pour elle, comme il étoit arrêté par les pieds, cela lui donna le temps de faire réflexion. Ainsi, outre qu’il crut que le moins d’éclat qu’il pourroit faire seroit le meilleur pour lui, il rêva qu’il avoit affaire d’elle pour l’affaire du premier gentilhomme dont j’ai parlé ci-dessus, c’est-à-dire de celui auquel il devoit de l’argent, car c’est la coutume à Paris de ne guère donner d’argent si les femmes ne s’obligent ; encore, quelque précaution que l’on y prenne, y est-on souvent attrapé.

Ces deux circonstances ayant donc, non pas apaisé son ressentiment, mais empêché qu’il n’eût des suites aussi fâcheuses que celles qu’il méditoit d’abord, il n’eut garde de demander à voir, comme on lui conseilloit, sachant bien qu’après cela il ne se pourroit empêcher de faire le méchant. Il n’en crut pas moins toutefois ; ce qui augmenta encore son soupçon fut que le temps des couches étant écoulé, la maladie de sa femme s’évanouit, et elle vint dans sa chambre comme si de rien n’eût été. D’abord qu’il la vit, il se mit à crier, comme s’il eût été pressé d’une forte douleur, et la maréchale lui ayant demandé ce qu’il avoit : « Eh ! Madame, lui dit-il, quand vous avez crié, il n’y a pas longtemps, plus fort que moi, je ne vous ai pas été demander ce que vous aviez, et je vous prie de me laisser en repos. »