Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/371

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de ce ministre pour obtenir sa grâce, et lui protesta si bien qu’il étoit innocent qu’il en fut parler à l’heure même à Sa Majesté. Mais Elle, qui ne croyoit pas légèrement, ne s’en voulut pas rapporter à ce qu’il lui disoit, et remit à lui faire réponse quand il en seroit instruit plus particulièrement. Pour cet effet, il fit appeler le jeune prince qui avoit eu le fouet, et lui ayant commandé, en présence du marquis de Louvois, de lui dire la vérité, le marquis de Louvois fut si fâché d’entendre que le chevalier de Tilladet lui avoit menti, qu’il s’en fut du même pas lui dire tout ce que la rage et le dépit étoient capables de lui inspirer.

Il n’y eut que le duc de Grammont à qui le Roi ne parla de rien, comme s’il n’eût pas été du nombre ; ce qui donna lieu de murmurer aux parents des exilés, qui étoient fâchés de le voir rester à Paris pendant que les autres s’en alloient dans le fond des provinces. Mais le Roi, sachant leur mécontentement, dit qu’ils ne devoient pas s’en étonner ; qu’il y avoit longtemps que le duc de Grammont lui étoit devenu si méprisable, que tout ce qu’il pouvoit faire lui étoit indifférent, de sorte que ce seroit lui faire trop d’honneur que d’avoir quelque ressentiment contre lui. La cour étoit trop peste[1] pour cacher au duc une réponse comme celle-là ; et au lieu qu’il tiroit vanité auparavant d’avoir été oublié, il eut tant de sujet de s’en affliger que tout autre que lui en seroit mort de douleur.

La cabale fut dissipée par ce moyen ; mais, quelque pouvoir qu’eut le Roi, il lui fut impossible

  1. Peste, mot du temps, équivalent de mauvaise langue. Déjà Tallemant l’employoit dans ce sens.