Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/384

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dans ses soupçons ; cependant, bien loin de songer à en profiter, il en fut plus retenu, de sorte qu’il falloit qu’elle l’envoyât quérir par plusieurs fois devant qu’il vînt dans sa chambre. Elle se plaignoit alors à lui du peu de considération qu’il avoit pour elle (car elle n’osoit pas dire amitié) ; mais d’Hervieux faisoit comme s’il eût été sourd, et ne lui répondoit que par de profondes révérences, qui la faisoient enrager.

Il n’étoit pas néanmoins insensible, et, sentant que la nature résistoit à tant de sagesse, il fit résolution de quitter plutôt la maréchale que de s’exposer davantage à une occasion si périlleuse. Pour cet effet, il chercha sous main une maison où il pût entrer en sortant de la sienne ; mais, comme cela ne se rencontre pas en un jour, il arriva que la maréchale s’aperçut de la folle passion de sa fille, à quoi elle mit ordre incontinent. Un jour donc que sa fille avoit envoyé quérir d’Hervieux, après les minauderies ordinaires, elle lui dit que, comme il étoit habile en tout, elle le prioit de lui vouloir aller chercher au Palais[1] une paire de jarretières pareille à celles qu’elle portoit. En même temps elle le fit approcher pour lui montrer les siennes ; mais, levant ses jupes jusqu’au-dessus du genou, elle lui fit voir des choses bien plus belles que tout ce que je pourrois dire, et il en fut si touché qu’il pensa oublier toutes les résolutions qu’il avoit faites.

  1. On a mille descriptions de cette galerie du Palais, où se trouvoient tant de libraires, de merciers, d’orfèvres, de promeneurs, d’acheteurs ; une des plus curieuses est assurément celle de Corneille, dans une de ses premières pièces, La Galerie du Palais.