Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/389

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admirables, longs et en quantité, une gorge faite pour les amours, une peau délicate et blanche, et par-dessus tout cela un corps qui contenoit en raccourci tout ce qu’il y a de plus aimable. Il chercha plusieurs fois l’accomplissement de ses désirs dans ce qui lui étoit défendu ; mais, quoiqu’elle le souhaitât tout aussi passionnément que lui, non-seulement elle fut la maîtresse de sa passion, mais elle lui fit encore de grands reproches de ce qu’il ne l’aimoit pas tant que sa femme. Elle lui dit que, pour une crainte qui étoit peut-être mal fondée, il s’empêchoit volontiers de prendre son plaisir avec elle, au lieu qu’il le cherchoit maintenant au préjudice de son repos et de sa réputation.

Caderousse, qui, en l’état qu’il en étoit avec elle, croyoit pouvoir lui faire confidence de ce qu’il avoit de plus particulier sur le cœur, lui dit que, s’il y avoit quelque différence entre elle et sa femme, elle étoit tout à son avantage ; qu’il lui étoit aisé de se passer de l’une, qu’il n’aimoit pas, mais qu’il n’en étoit pas de même de l’autre, qu’il adoroit ; que, comme tout ce qui se passoit dans le monde ne consistoit qu’en grimaces, il lui avoit été aisé de faire accroire que ce qu’il en faisoit n’étoit que par la considération qu’il avoit pour sa femme ; mais qu’enfin il ne pouvoit s’empêcher de lui dire qu’il seroit ravi d’en être défait.

Elle lui sauta au cou après cette déclaration, et, quoiqu’ils ne fissent pas tout ce qu’il falloit faire pour goûter une joie parfaite, ils ne laissèrent pas de se pâmer sur un lit de repos où ils s’étoient jetés l’un et l’autre.