Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/408

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mais, comme il y vouloit revenir à toute heure, la duchesse lui dit qu’on voyoit bien qu’il avoit beaucoup profité sous une si bonne maîtresse, et qu’il n’étoit plus besoin de l’accuser de timidité.

Cependant Caderousse s’étoit mis au jeu ; mais, voyant que leur conversation duroit si longtemps, il étoit sur les épines, et faisoit mille fautes qu’il n’avoit pas accoutumé de faire. La marquise de Rambures, qui étoit auprès de lui, y prit garde, et que de temps en temps il jetoit des œillades à l’endroit où étoit la duchesse. Quand elle eut remarqué cela deux ou trois fois : « Voulez-vous parier, lui dit-elle à l’oreille, que je vous dis maintenant pourquoi nous ne vous avons point vu depuis trois jours, et pourquoi vous ne prenez pas garde à votre jeu ? » Il ne fit que sourire à ce discours, comme s’il eût voulu dire qu’elle y seroit bien empêchée ; mais elle se rapprocha en même temps de lui, et lui dit que la duchesse d’Aumont en étoit cause. Cela le déconcerta encore plus qu’auparavant ; il ne sut que lui répondre, et c’en fut assez à cette dame, qui étoit habile dans le métier, pour lui faire juger que ce qu’elle en pensoit étoit véritable. « Vous voyez, lui dit-elle en même temps, que je suis mieux informée que vous ne pensez ; mais que cela ne vous alarme pas ; j’en userai bien, et je veux commencer à vous rendre service. » En même temps, elle dit à la duchesse d’Aumont que cela étoit bien vilain de quitter la compagnie pour être si longtemps tête à tête avec un homme ; qu’elle s’en scandalisoit toute la première, et que, si elle ne venoit auprès d’elle, elle ne lui pardonneroit jamais.