Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/418

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perdre une si bonne occasion. Mais, quelque aide qu’elle lui donnât, elle ne put jamais faire passer une partie de sa vigueur dans le corps de ce pauvre paralytique. Cependant, le voyant de bonne volonté, elle chercha à l’encourager, lui disant qu’il ne falloit pas chercher à forcer la nature ; que toutes choses avoient leurs temps ; qu’il se porteroit peut-être mieux après dîner, et pour le réchauffer elle fut chercher des truffes, dont son cabinet étoit toujours rempli, quoiqu’elle en eût moins besoin que personne du monde. Il en mangea plutôt par complaisance que pour croire qu’elles pussent produire l’effet qu’elle espéroit.

Cependant, la marquise ayant ouï dire que d’agréables idées rappeloient souvent un homme de mort à vie, elle lui parla des charmes de la duchesse d’Aumont, lui disant qu’elle avoit cru qu’il en avoit été touché. Il s’en défendit comme de beau meurtre ; à quoi elle ne voulut pas contredire, quoiqu’elle en fût si bien instruite. Ainsi elle ne continua cette conversation qu’en tant qu’elle lui pouvoit être utile ; elle lui fit donc un détail de tout ce que cette aimable personne avoit de beau, et s’arrêta longtemps sur sa gorge et sur le reste de son corps, qu’elle disoit avoir vu plusieurs fois à découvert. Cette conversation ne manqua pas de ressusciter le pauvre défunt, de quoi il ne se fut pas plus tôt aperçu qu’il s’approcha d’elle pour tâcher de réparer sa réputation. Quoiqu’il n’y eût rien de plus outrageant que cela pour la marquise, elle résolut néanmoins de n’y pas prendre garde de si près, et, pour se faire faire l’application du