Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/423

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Caderousse ne la pressa qu’autant qu’il se crut obligé de le faire pour son honneur, et il fut même ravi de son refus quand il fit réflexion que cela l’eût mis en concurrence avec plusieurs gens d’épée, un conseiller, deux hommes de finance, et même quelques bourgeois. La marquise, qui avoit coutume de succomber à la première tentation, se fit un grand mérite en elle-même de sa résistance ; elle crut que cela lui feroit faire réflexion à ce qu’il auroit à faire, et que vingt-cinq mille livres de rente, jointes à une si grande vertu, étoient capables de le rembarquer, quelque répugnance qu’il eût à un second mariage. Sur ce pied-là, elle alla tête levée partout, et, pour commencer à faire la réformée, elle se mit à médire de tout le monde.

Cependant l’on continuoit toujours à jouer chez elle, et Caderousse ne laissoit pas d’y venir ; mais il ne lui disoit plus rien, ce qui la faisoit enrager. Elle n’étoit pas plus heureuse au jeu qu’en amour, et, si elle gagnoit une fois, elle en perdoit quatre, ce qui la désespéroit pareillement. Tous ces sujets de chagrin la rendoient plus bizarre qu’à l’ordinaire, et par conséquent encore plus désagréable ; tellement que, bien loin que Caderousse songeât à se mettre bien avec elle, tout son but ne fut que de lui gagner son argent. Le jeu de la bassette[1] étoit

  1. La bassette étoit un jeu de cartes, un jeu de hasard, comme le hoc ou hocca et le lansquenet. L’abus de ces jeux devint tel que de nombreux arrêts du Parlement, plusieurs édits du Roi et ordonnances de police essayèrent de le combattre.

    En 1661, le Parlement porte deux arrêts contre le jeu du hocca ; en 1663, contre les académies de jeux en général ;