Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/451

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Mais enfin, ayant vu ce qu’elle désiroit de voir, tout se calma, à la réserve de son amour. En effet, comme elle avoit éprouvé des forces qui n’étoient pas ordinaires, la privation d’un tel plaisir lui fit tant de peine, que pour avoir une couverture, elle témoigna à tout le monde que, puisque Dieu lui avoit donné un mari, elle seroit bien aise de vivre dorénavant avec lui en meilleure intelligence. Quoiqu’on ait toujours du penchant à juger mal de son prochain, on crut qu’une si grande résignation étoit l’effet des conversations fréquentes qu’elle avoit avec la duchesse d’Aumont, car celle-ci étoit toujours regardée comme une béate[1], et Biran, qui avoit accoutumé d’être indiscret, avoit été si sage à son égard, que personne ne se doutoit de leur intrigue. En effet, il eût été difficile de la soupçonner sans passer pour médisant ; car elle ne se contentoit plus d’ensevelir les morts, elle alloit encore les mettre en terre : ce qui lui donnoit une si grande réputation, que, si elle fût morte dans ce moment, on l’auroit sans doute canonisée.

L’Avocat, dont il a été parlé dans la première partie de cet ouvrage[2], sachant que la duchesse de Ventadour faisoit tant d’avances pour se raccommoder avec son mari, voulut en avoir le mérite. Il les vit séparément l’un et l’autre, et, leur ayant fait trouver bon qu’il leur donnât à manger, il emprunta une maison à un village au-dessous de Montmartre, où il leur fit bonne

  1. Le béat, c’est le saint qui n’est pas encore canonisé.
  2. Voy. t. 2, p. 429.