Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/495

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n’avoit pas laissé de la voir encore quelque temps ; mais, étant devenu amoureux d’une petite bourgeoise, laquelle étoit bien autrement tournée, il la quitta brusquement et sans garder aucunes mesures. Elle en eut tant de chagrin qu’elle demeura six mois sans vouloir écouter personne ; de quoi tout le monde s’étonna, croyant qu’elle étoit d’un tempérament à ne s’en pouvoir passer un jour seulement. Madame de Bonnelle, qui étoit la meilleure femme du monde, et qui avoit porté impatiemment tous les contes qu’elle avoit entendu faire d’elle, la loua beaucoup du parti qu’elle prenoit. Cette pauvre femme se tuoit de dire qu’on voyoit bien que tout ce qu’on avoit dit étoit médisance, ce qu’elle assure encore aujourd’hui, se fondant sur ce qu’une femme qui a été féconde pendant son mariage le seroit encore s’il étoit vrai qu’elle eût tant de penchant à la galanterie. Quoi qu’il en soit, il n’y avoit plus des trois sœurs que la duchesse d’Aumont qui eût encore son compte, et l’archevêque s’en acquittoit si bien qu’elle avouoit qu’il n’y a rien de tel que les gens d’église pour faire les choses comme il faut. Son mari, qui étoit toujours à la cour, et qui d’ailleurs n’avoit garde de se défier d’une femme qui continuoit de porter de grandes manches et de visiter les hôpitaux, disoit aussi à tout le monde qu’il avoit sujet de se louer de son choix ; que dans le siècle où l’on étoit il n’y avoit rien de plus rare que d’avoir une femme vertueuse, et que c’étoit une grâce dont il avoit à rendre grâces au ciel particulièrement. Personne n’avoit garde de lui contredire ; la duchesse avoit si bien joué son