Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/517

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Rambures. Elle avoit épousé en premières noces le marquis de Rannes[1], fort honnête homme de sa personne, et qui avoit été tué en Allemagne, où il étoit lieutenant-général. Elle lui en avoit fait porter durant sa vie ; et, dès le lendemain de sa mort, elle avoit jugé à propos de ne pas demeurer veuve longtemps, parce qu’elle appréhendoit que, parmi les plaisirs dont elle ne se pouvoit passer, il ne lui arrivât quelque accident qui la scandalisât[2] dans le monde. Enfin, après s’être offerte au tiers et au quart sans que pas un n’en voulût, le prince de Montauban[3], cadet du prince de Guimené[4] et fils du duc de Montbazon[5], ce fameux fou que l’on auroit enfermé dans les Petites-Maisons, si ce n’est qu’on n’a pas voulu déshonorer le nom de Rohan, dont il est le chef, se présenta.

Devant que de parler du bonheur qu’il eut d’emporter sa femme[6], je veux dire un mot de

  1. Nicolas d’Argouges, marquis de Rannes, colonel-général des dragons et lieutenant général des armées du Roi.
  2. Scandalisée, c’est-à-dire donnée en scandale, déchirée, perdue de réputation.
  3. Charles de Rohan, prince de Guéméné, duc de Montbazon, dit le prince de Montauban, étoit fils aîné de Charles de Rohan, duc de Montbazon, et de Jeanne Armande de Schomberg. Son fils, archevêque-duc de Reims, eut l’honneur de sacrer le Roi Louis XV.
  4. Le duc de Montbazon, père du prince de Guéméné et du prince de Montauban, dont nous avons parlé dans les notes précédentes, étoit fils de Louis de Rohan VII, prince de Guéméné, grand veneur de France, mort le 19 fév. 1667, et de sa cousine germaine, Anne de Rohan, princesse de Guéméné. Le duc de Montbazon mourut fou et enfermé, à Liége. (Saint-Simon, Comment. sur Dangeau, t. I, p. 136.)
  5. Voy. la note précédente.
  6. Var., édit. 1754 : « Avant que de parler du bonheur qu’il eut d’avoir sa femme. »