Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/94

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Elle poursuivit la promenade, quand une vieille servante du logis avec qui elle étoit intime arriva. Elle marchoit si doucement que Guillemette ne la put voir que lorsqu’elle étoit déjà contre elle, et après qu’elle eut amassé la lettre, laquelle elle cacha soigneusement, se doutant bien qu’il y avoit quelque mystère de caché. Elle l’aborda donc et tâcha de la tirer de sa rêverie. « Je ne vous ai jamais vue de telle humeur, lui dit-elle, et sans doute il y a quelque chose d’extraordinaire qui vous la cause ; ne me cachez rien de vos affaires, et, si je puis y apporter du soulagement, soyez persuadée que je n’y épargnerai rien. » Elle lui dit encore quantité de choses, mais le tout sans pouvoir tirer aucune réponse positive. Elle ne l’importuna pas davantage, se doutant bien qu’elle découvriroit quelque chose par la lettre. En effet, elles ne furent pas plus tôt à leur appartement que la vieille, fermant la porte sur soi, en fit la lecture, par laquelle elle fut à plein éclaircie de la cause du changement de Guillemette. Néanmoins elle eut du chagrin de ne pouvoir savoir comment le marquis étoit avec elle et quel effet avoit produit cette lettre. Elle jugea bien que Guillemette ne lui découvriroit pas ce secret ; ainsi elle résolut d’attendre le retour de monsieur le marquis, afin d’en pouvoir savoir quelque chose de lui ; et, comme elle savoit par expérience que les amants sont souvent libéraux, elle ne se promit pas une petite fortune si elle pouvoit lui être utile dans ce commerce.

Dans ce temps, la pauvre Guillemette avoit l’esprit accablé de mille différentes pensées. Elle