Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/98

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pas longtemps, dans l’impatience où il étoit de parler à sa chère Guillemette, qui prenoit autant de peine à l’éviter qu’il en prenoit à la chercher. Elle réussit pour cette fois, car elle fit toujours en sorte d’être auprès de sa dame. Le marquis en étoit au désespoir et faisoit bien remarquer son impatience ; néanmoins, pour la cacher le plus qu’il lui étoit possible, il visita toutes les filles de madame ; entre autres, en passant devant la chambre de la vieille Agnès, il la salua, et, comme ils se connoissoient de longue main, elle le pria d’entrer ; d’abord elle le fit seoir, et débuta son discours ainsi : « Je ne sais, Monsieur, quelle mélancolie s’est depuis peu emparée de votre esprit. Je ne vous vois plus cette belle humeur toujours gaillarde que vous aviez accoutumé d’avoir ; au contraire, on ne vous voit que penser, soupirer, et toujours les yeux attachés sur terre. Hé ! de grâce, d’où procède ce changement ? Çà, Monsieur le marquis, point de déguisement : Guillemette vous en a donné. Ne cachez rien, et soyez persuadé que j’ai assez de compassion de votre état et assez d’amitié pour vous pour entreprendre quelque chose pour votre service ; dites-moi seulement les progrès que vous avez faits sur son cœur et en quel état vous êtes.—Puisqu’il te faut donc tout dire, ma chère Agnès, répondit-il, tu sauras qu’elle s’est jusqu’à présent moquée de moi, et qu’elle me fuit tout ainsi que si j’avois le mal pestilentieux. Je ne t’en puis dire davantage ; tâche à me faire contenter, et, outre une bonne récompense que je te donnerai, voici dix louis que je te prie d’accepter. » Elle fit un peu de cérémonie pour les prendre ; mais enfin