Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/114

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bâties sur l’emplacement du vieux fort, où se réfugièrent les Français pour se protéger contre les cruelles attaques des sauvages. Une partie des murs de l’ancienne citadelle sont encore debout ; ils servent d’enclos au potager de la cure. La poudrière est convertie en glacière. Ô ironie du sort !

À quelques pas de l’église, on voit encore les pans lézardés d’une antique maison de pierre, c’est le wigwam américanisé du feu chef François, une des remarquables figures de la tribu iroquoise, disparue dans le grand oubli de la mort. Le cimetière iroquois, au contraire des nôtres, n’immortalise pas dans le marbre la gloire fastueuse ou la sotte vanité des passagers habitants de la terre. À peine quelques grossières croix en bois marquent-elles de loin en loin un tertre abandonné, envahi par les hautes herbes. Les indiens gardent dans leur cœur le culte des ancêtres !

L’aspect du village est plutôt désolé : un sol pierreux ou marécageux, brûlé par un soleil de plomb. Les rues tortueuses courent à la diable. Les maisons inégales tombent en ruines s’éparpillant sans symétrie dans les champs, dans les bois, perchées sur des monticules de roches comme des nids d’aigles, d’un abord inaccessible, parfois campées en plein milieu du chemin ou grimpées sur des buttes embroussaillées, à la fantaisie toujours des maîtres capricieux.

Si le sauvage a fait à la civilisation le sacrifice de la tente, il n’en a pas moins gardé à l’intérieur de sa cabane la liberté de vivre des anciens jours. Une seule pièce sert de salon, de boudoir, de chambre à coucher et de tout ce que l’on veut. Le père, la mère, les enfants, les papooses, mangent en touchante confraternité avec le chat, les poulets et les chiens. Chacun boit une lampée au seau d’eau par terre, dans un coin, et va s’étendre sur