Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/139

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M. Côté, sous la neige des ans, garde la fleur d’un cœur jeune, plein d’enthousiasme. À l’aide de ce prisme radieux, la vie lui semble belle et bonne, et comme si la main du destin avait tracé dans l’aurore du soleil levant de divins hiéroglyphes, compris de lui seul, il croit à l’indépendance de son pays. Il y rêve, il en rayonne. Penseur aux généreuses aspirations qu’illuminent les étincelles d’un esprit vif, capable d’exprimer sa pensée en images et en symboles, sa parole chaude et franche creuse dans le cœur un profond sillon à l’endroit du patriotisme. « Mon Canada ! » sa figure s’enflamme comme au reflet d’un invisible Thabor : le cœur lui monte aux lèvres, ses bras s’ouvrent dans un besoin de l’étreindre, il en parle avec l’ardeur passionnée d’un amant et la tendre câlinerie d’un enfant — « cette belle créature, la plus belle des créatures, » comme il dit, avec tant de feu. Il ne lui garde rancune ni de ses légèretés, ni de ses inconséquences, ni de son ingratitude, elle ne donnera jamais peut-être ce qu’il en attend dans son exaltation, mais son amour l’absout de tout. L’amertume du philosophe : « Ingrate patrie, tu n’auras pas mes os ! » ne crispera jamais sa lèvre souriante. Il expirera en prononçant le nom de l’adorée, le dernier peut-être des Spartiates, le dernier des verts sapins de la forêt, affrontant la tempête d’un front altier, quand les jeunes chênes sont déracinés, quand le vent disperse dans l’espace l’espoir des bourgeons d’avril.

Vous qui niez l’amour, la vertu, l’honneur, cordes mélodieuses dont les sonorités chantaient si doucement au souffle patriotique de vos ancêtres, et qui ne s’éveillent plus en vos âmes endormies, précoces vieillards de vingt ans, quel triste mensonge, qu’une floraison de jeunesse sur cette pourriture morale de vos cœurs en décomposition ! Que restera t-il de vous dans quarante ans ? — Ce