Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/150

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elle, et l’effleurer d’un souffle glacé. Son cœur cesse de battre, elle se fait plus petite, plus immobile, s’enfonce la face dans l’oreiller, sanglote tout bas, les poings dans sa bouche, criant : Maman ! Maman !…

Si la petite est une rusée, en qui s’éveille la diplomatie louvoyante de la femme, elle aura tôt fait de s’insinuer dans les bonnes grâces de ses supérieures. Alors, malheur à celles qui l’auront humiliée !… Habile, sournoise, hypocrite, menteuse, ses compagnes dédaignées subiront le joug de la favorite, qui, sous une figure de madone, cache une intrigante de la plus dangereuse espèce. Quand, par hasard, le mot « homme » s’échappera de quelque imprudente bouche, elle frémira d’horreur…

— Un ange !… diront les naïfs…

La sainte ira son petit bonhomme de chemin, douce, aimable, appliquée, elle décrochera au bout de l’année les couronnes et les prix d’honneur, la médaille de sagesse !

Mais plus tard, si son mari a bon pied, bon œil, je doute qu’il ne décerne à son tour un prix de sagesse à l’angélique créature. Qu’en pensent ceux qui prisent plus qu’un minois de nitouche, une âme loyale dans un regard franc.

À Dieu ne plaise, que je veuille mettre en doute la sainteté et le dévouement des bonnes sœurs qui, jour et nuit, veillent sur les enfants confiées à leurs soins — des lèvres plus autorisées et plus éloquentes que les miennes ont fait leur éloge — mais je m’indigne à l’idée qu’une mère abandonne son enfant à des étrangères, à cet âge encore si tendre, où la plante a besoin de la tiédeur des serres chaudes, pour se développer et pousser des racines, avant que, transplantée en pleine terre, elle ne subisse les intempéries et les froidures de la vie.