Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/196

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murmure au bouton de rose pour le faire s’entr’ouvrir. Un passant s’était arrêté surpris, et avait remarqué, d’entre les autres fleurettes, cette blanche rose ondulant sur sa tige flexible. La main tendue, il implorait déjà la grâce de la cueillir… Blanchette acquiesça d’un soupir parfumé à cette discrète prière.

Sa première robe longue fut sa robe d’épousée…

L’orgue chantait, des voix d’anges montaient vers le ciel avec les larmes des parents et l’encens des prières. Et Dieu ratifia sur le grand livre du destin, l’hymen de ces deux cœurs aimants…

Mais, l’élu comptait sans le Jardinier qui moissonne pour sa grande serre de là-haut : Lui aussi avait jeté son dévolu sur la rose blanche. Alors l’Éternel eut pitié : « Je la lui prêterai un an !… Et ma rose n’en sera que plus belle, dans son plein épanouissement, quand l’astre de l’amour aura rayonné sur elle ! »

L’Éternel a tenu parole. Heureuse petite morte !… Tu n’as pas vu ta beauté s’effeuiller jour par jour, sous le souffle mortel du temps ; ton cœur n’a pas connu le déclin de l’amour, cette étoile qui se lève radieuse, pâlit, se ranime, se cache dans les nuages, scintille encore par intermittence, puis tombe dans le vide. Tu emportes toute fraîche la gerbe des illusions que les séraphins sèment dans l’âme des adolescentes, le prisme radieux de tes seize ans ne s’est pas embué de l’haleine des méchants. Tu n’as connu de la vie que la joie, les caresses, le murmure discret de l’admiration respectueuse, la tendresse passionnée d’une mère, les baisers d’un père, l’affection d’un frère, l’adoration de l’adoré, l’amitié profonde et douce des amis, les ravissements de l’harmonie qui ont bercé tes rêves ingénus d’enfant et de vierge. Oui, heureuse petite morte…

Blanche, nom symbolique que les séraphins ont souf-