Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
220
bleu — blanc — rouge

comme si tu allais conter à Edison qu’une dynamo brisée peut projeter une force de mille chevaux vapeur. Ce qu’il t’enverrait promener, et vite. L’âme, ah ! la colossale erreur accréditée par l’ignorance… Est-ce que je l’ai trouvée, moi, qui depuis dix ans fouille la chaire humaine de mon scalpel ?… Les visionnaires, les fous auraient obtenu un meilleur résultat qu’un sage, après dix ans de patiente étude ?…

Des larmes tremblaient au bord des longs cils de la voyante……

— Ah ! c’est toi qui es malade et fou !… dit elle. Toi qui veux ravir le suprême espoir de l’au delà à ceux qui ont peiné et souffert ici-bas. Notre seule raison de vivre à nous femmes quand nous avons perdu ceux que nous aimons. Méchant ! Tu nous ferais douter de l’infinie sagesse du Créateur, de la force consciente qui régit les mondes dans leur imposante harmonie…

— Tut ! Tut !… ne discutons pas ces choses-là, fait le grand’père effrayé. À genoux, mes amis, moi je crois que la petite est dans le vrai ! Disons le chapelet des morts pour ma défunte femme, cela vaudra mieux que de se chicaner sur des choses qu’on ne comprend pas…

Tandis que les pie Jesu alternaient avec les Dona eis requiem, les lèvres du jeune homme, immobiles et glacées, gardaient cette amertume triste que laisse un cœur vidé par un cerveau trop gonflé…

Le chapelet terminé, tous demeurent consternés, pétrifiées, redoutant l’obscurité. Les fillettes grimpent les escaliers quatre par quatre, s’imaginant qu’elles sont poursuivies, prises d’une peur délicieuse, qu’elles voudront ressusciter demain soir. Partout elles croient voir