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bleu — blanc — rouge

un rayon de lune la pâleur de son front semblait illuminée d’un rayonnant bonheur. Pourquoi le lendemain de ces nuits passées loin de toi, ses yeux sont-ils battus, son regard fou, ses tempes creusées, ses mains tremblantes ? Où va l’argent de son salaire ?

Qu’as-tu besoin de le savoir ? Pourquoi remplir ton âme de ces ombres ? Crois, plutôt : la foi ridicule, aveugle, vaut mieux encore que la négation du beau et du bien.

Qui que vous soyez, si vous être affligé de cet importun viscère, le cœur, vous souffrirez ! Pas n’est besoin d’être sorcier ou cartomancienne pour vous le prédire ! Tout heurtera votre sensibilité, un mot, un regard, un geste, vous fera pleurer. Mais pour un rien, vous aurez des heures de délices inconnues aux vulgaires mortels. Un merci reconnaissant, une caresse d’enfant, la chanson des nids, le scintillement d’une étoile, éveilleront dans vos cœurs de pures jouissances !

Femme coquette, la beauté n’est pas éternelle ; ces diamants, qui sont les sueurs de ton mari, se changeront en pleurs à l’automne de tes jours !… Ces admirateurs que tu tiens à tes genoux, courbés sous ta griffe rose, tu les verras s’enfuir comme les hirondelles aux premières neiges et pour ne plus revenir.

Petite ouvrière, il y a toujours dans ton jeu un beau ténébreux, féru d’amour pour toi. Mais il n’ose te déclarer sa flamme parce que tu es pauvre, toujours une dame de pique, une intrigante brouille tes cartes, jalouse de ton talent et de ta beauté. Mais je prêche dans le désert, quand vous m’aurez lue vous direz comme conclusion :

— C’est égal, si je connaissais une bonne tireuse de cartes j’irais la faire jaser sur mon compte, histoire de m’amuser !