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bleu — blanc — rouge

tête pour me voir partir, tu guettes au ciel le retour des hirondelles. Tu murmures à ta fiancée de douces choses, où il est question de fleurs, d’oiseaux, de pastorales, que sais je ?…

— Et toi, petiot, au moins te souviendras-tu de moi ?

— Oh ! si, la bonne Dame, qui envoie l’ange de Noël remplir mon bas… La bonne Dame qui nous prête sa belle neige pour faire des maisons et des bonshommes. Je t’aime bien va ! Reviens nous voir. Et le mignon envoie un baiser du bout de ses doigts potelés…

Elle sourit tristement.

— Oui, petit, pour toi seul, je reviendrai.

Ne te lâche pas, altière souveraine. C’est le sort commun ici-bas aux choses et aux êtres. « Tout s’use tout passe. » Il vient un temps où la vie nous pousse cruellement hors d’ici en fermant sa main, si libérale, aux jours de la jeunesse… Mais, las ! quand la coupe dorée s’est épuisée, l’homme a gardé le goût de l’ambroisie sur sa lèvre, sans avoir apaisé sa soif. Jeune, dans un corps usé, il aspire toujours au bonheur qu’il regrette, et qu’il ne peut goûter. Pourquoi ce désir de félicité suprême ne s’éteint-il pas chaque jour avec le fluide vital, si tout finit avec le souffle, comme disent les matérialistes ?… Au contraire, ce désir devient un besoin plus irritant avec les années, chez le voyageur arrivé au sommet de la colline. Le clavier est usé, mais le musicien a plus ardent le souffle sacré de l’inspiration ! Il rêve d’un instrument plus perfectionné, avec des cordes innombrables, une gamme complète où l’âme pourra rendre enfin la plénitude des harmonies qui chantent en elle. Le cri du vieillard mourant est celui du supplicié du Golgotha : Sitio ! Refuserez-