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bleu — blanc — rouge

une imaginaire étreinte : Mes pauvres petits enfants ! Mes pauvres petits enfants ! Inerte, glacée, les yeux éteints, sa tête retombe sur l’oreiller. La vie s’en est allée dans le déchirement de l’adieu !

Respect donc, pour la femme tombée et pour le pauvre petit être qu’elle presse entre ses bras. Inclinez-vous devant celle qui fut le temple de la vie : le baptême de la souffrance l’a purifiée de sa faute passagère. Le plus beau spectacle qui soit au monde est celui de la pureté s’inclinant sur la souffrance.

L’ange ne souille pas ses ailes pour les déployer sur la couche de l’homme coupable ; l’eau de la montagne ne se mêle pas à la vase du fond, lorsqu’elle coule fertilisante dans la campagne ensoleillée. Ô vous, fleurs aimées du ciel, qu’un heureux destin fit naître dans la tiédeur d’une serre chaude, loin des regards qui flétrissent et du vent qui brûle, ne vous balancez pas orgueilleusement sur votre tige, dédaigneuses, dans votre éblouissante beauté, de l’humble fleur des champs, battue par l’ouragan. Est-ce votre faute, si l’on ferme les carreaux, chaque soir, dans la crainte des gelées nocturnes, si des mains attentives émondent les branches du rosier des feuilles desséchées, si le tuteur vient en aide à la fragilité de ses rameaux, si les doigts, qui redressent le tronc dévié de sa première droiture, osent à peine effleurer d’une caresse le velouté des pétales. La fleur des champs piétinée, déchiquetée a moins de fraîcheur et de souveraine beauté, mais son parfum est plus exquis et la main qui la cueille en reste tout embaumée. Un baiser à l’ombre et un peu d’eau raniment sa grâce alanguie d’un pâle et doux sourire !