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bleu — blanc — rouge

Eh bien ! là ! je retire mon Te deum, que j’ai pourtant chanté à pleine gorge, que veux-tu, entraînée par l’enthousiasme général, sans savoir que mes lèvres acclamaient un sectaire, qui sait, un persécuteur autorisé de mes saintes croyances.

Il est une légende, qui avait quelque tendance à s’accréditer parmi nous, c’est la conversion de la reine au catholicisme. On commentait à cet effet les relations diplomatiques de la Souveraine et du Saint-Père, la tolérance toute philosophique de la bonne reine en matière de religion, etc… Des bonnes femmes faisaient du lyrisme : la reine forcée de cacher le secret de son cœur avec le plus grand soin et de jouer la comédie pour sauver sa couronne avec sa tête. On aimait à se figurer la pauvre femme, harassée par les charges de la royauté, tombant à genoux sur son prie-Dieu, la tête dans ses mains, comme le plus humble de ses sujets, et criant à la Vierge des douleurs, les angoisses de son cœur de mère, les ennuis de son veuvage, la solitude des sombres châteaux, aux grands échos muets depuis que la voix du bien-aimé s’est éteinte !…

Et moi, qui n’ai pas la bosse de la sensiblerie développée, je me suis posé ce dilemme que je soumets fort humblement à la gent qui pense :

— La reine, catholique ou protestante, n’a aucun droit à notre admiration, à ce déploiement outré de loyalisme ridicule de la part des canadiens-catholiques.

Si la reine était catholique, sa vie ne fut qu’une longue hypocrisie inspirée par un sentiment naturel, je le conçois, l’instinct de la conservation ; sentiment assez différent, vous en conviendrez, de l’héroïsme des premiers chrétiens, qui versèrent leur sang pour ne pas faire mentir leur conscience, en encensant l’idole païenne.