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bleu — blanc — rouge

aux fines attaches, versent des larmes d’attendrissement devant le sans gêne royal !…

Je me souviens d’un tableau exposé au musée de peinture, rue Notre-Dame, et qui me fit une impression encore vivante, il était intitulé, « l’Excommunication… » Dans une sombre cathédrale gothique, le chapitre réuni décrète la sentence de mort spirituelle contre un hérétique qui gît, terrorisé sur la froide dalle, recouvert du drap mortuaire. Les moines, tête rasée et face glabre, tiennent des cierges renversés et dardent leurs yeux enflammés sur le coupable, pendant que l’abbé, mitré et crossé, pâle comme une vision de Dante, abaisse ses mains amaigries, chargées de fluides malfaisants et de malédictions célestes, sur le malheureux qui a encouru les anathèmes de l’Église !

À Dieu ne plaise que je veuille ressusciter ces sévérités d’un âge, déjà loin de nous ! J’aime encore mieux les Te deum, que les chevalets, le fer, la flamme, les donjons et les oubliettes de la Sainte Inquisition !… Si l’amour de mon pays m’empêche de m’unir au Te deum qui célébra la défaite des Français à Trafalgar, je n’en reste pas moins persuadée que les chants valent mieux que les larmes, quand ils n’insultent pas à nos gloires nationales !…

Comme contraste à cette ombre, il s’est trouvé cette semaine un bon juge pour acquitter un malheureux chiffonnier coupable d’avoir volé parce qu’il voulait manger ! Sait-on quelles folies, quelles pensées fatales peuvent passer dans un cerveau affaibli par un jeûne continu ;