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bleu — blanc — rouge

Comme pour répondre à cette heureuse prédiction, des voitures passent regorgeant de filles et de garçons, de rires et de chansons. Elles s’arrêtent à chaque porte pour se charger d’un nouveau contingent d’excursionnistes.

— Êtes-vous tous sur le pont, vous autres, crie Jacques Bruno, le boute-en-train du parti de sucre. — On n’est pas pour vous sortir du lit : Bonjour ! — Embarquez ! — Oryé donc ! Butor ! — Et de nouvelles jupes viennent s’étaler sur les genoux des garçons et des filles parqués comme des sardines dans les voitures. Soudain les rires s’arrêtent, les cous se tendent, deux demoiselles de la ville en promenade chez les villageois apparaissent sur le seuil de la porte de leurs hôtes toutes pimpantes.

— Y a-t-il de la place pour nous, font-elles de leur jolie voix d’oiseaux ?

— On se tassera, montez, toujours. Si on vous chiffonne, dites rien.

Et les petites demoiselles légères comme des papillons viennent s’abattre au milieu de ces moineaux tapageurs. Dédaigneusement, elles serrent contre elles leurs ailes, de peur de les salir au contact de ces rustres.

— Vos fanferluches seront joliment fripées, ce soir, souffle une grosse rougeaude à son galant, en coulant un œil fâché sur ces intruses qui viennent jeter une douche d’eau froide sur leur grosse joie de tantôt. Mais la bouteille de liqueur cachée sous le siège de la voiture circule subrepticement. Bientôt la conversation s’anime et Jacques, un gars ben histoireux, débite des choses drôles qui font se tordre l’assemblée. Le maître-chantre mis en belle humeur, entonne des chansons en répons. La belle Françoise, allons gué ! — Encore un p’tit coup de pitonÀ la claire fontaine. Et les voix criardes des filles alternent en chœur avec les grosses voix de tonneau des paysans.