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bleu — blanc — rouge

et des choses, nous empruntons souvent la teinte de nos idées, la couleur de nos impressions au milieu dans lequel nous vivons. Ce panorama unique. Cette poésie des lieux s’identifie, s’incorpore à notre esprit. Il devient facile de reconnaître la couleur Québec à certaines productions littéraires, lesquelles en restent comme imprégnées. Dans cette ville suspendue en l’air, on n’a qu’à se laisser vivre en ouvrant les yeux et la bouche pour être poète. L’on ne s’étonne plus après avoir vu la vieille cité française, que le vieux Champlain en ait fait le dépositaire des principes de chevalerie française, de l’honneur de la foi des ancêtres qu’il voulait transmettre intacts à ses fils : le vieux dragon de pierre veille sur son trésor avec un soin jaloux, les briseurs d’idoles, les vandales d’outre mer s’useraient les griffes à vouloir escalader la vieille forteresse : Québec ne rend pas ce qu’il garde. »

On vante tous les jours le Québec commercial actif, avec sa ligne régulière de maisons modernes qui s’éveillent en souriant au côté du vieux Québec. Mais je demeure pour l’ancien, si curieux par son architecture démodée, ses pignons en mitres d’évêque, ses portes-forteresses, sa vieille citadelle, ses rues étroites, tortueuses, sombres qui montent à pic et descendent en escarpements. Quelques-unes des maisons en pierre grise ont leurs châssis encore carreautés de petites vitres enchâssées dans un mince treillage de plomb. Sa vieille basilique écrasée, toute grise en dehors mais rayonnante en dedans comme un ostensoir. Et pour compléter l’illusion d’être une ville d’un autre siècle, on voit des calèches errer mystérieusement dans ses rues, traînées par des fantômes