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L’HERBE STÉRILE



NOVEMBRE ! Le deuil de la nature s’harmonise avec la douleur de ceux qui pleurent les chers envolés que l’espérance chrétienne nous montre vivant là-haut, comme en nos cœurs. Des veillées entières se passent à évoquer leur souvenir, à revoir par la pensée les lieux qu’ils ont animés de leur présence. Une émanation d’eux traîne encore dans l’air, comme l’atmosphère des églises reste pénétré d’encens après les offices sacrés : les meubles gardent leur empreinte. Sur les portières où s’encadraient jadis leurs formes aimées se décalquent encore leur silhouette effacée. Parfois dans les hautes glaces il semble que leurs traits se dessinent pour disparaître soudain comme la buée des lèvres sur le cristal. Accroché au mur, le violon de l’absent, pitoyable et triste, les cordes brisées : on sent que l’âme de l’instrument erre ailleurs, peut être à la suite du musicien dans quelque région éthérée.

On essaie de dégager leurs traits chéris de la brume