Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/38

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reluisant, sentant l’eau de Floride, étranglé dans son habit de noce, un peu fripé par le long séjour dans la commode ; il caresse du coude un chapeau haute forme, dont le poil léché par endroit est réfractaire à cette friction.

— Bon, êtes-vous prête, la mère. Les femmes, ça lambine toujours. M. le Curé va se lasser d’attendre.

Le poupon passe de mains en mains. La marraine lui agace les lèvres, pour le faire rire, tandis que le parrain n’ose le prendre dans ses bras, de peur de le casser.

— Sous les armes, maintenant !

Le cortège se forme : la porteuse endimanchée, robe d’étoffe carreautée, mantelet de cachemire noir, grande câline, majestueuse comme si elle portait le Saint-Sacrement ; le père triomphant, cachant sa joie et son orgueil sous une feinte brusquerie, et le parrain et la marraine, des amoureux qui se poussent du coude, et rient en dessous. La mère étouffe un soupir de regret, elle seule n’assistera pas à la christianisation de son fils…

Si, elle suit le roulement de la voiture jusqu’à l’église ; les gamins du village escortent le compérage. Le cortège pénètre dans la froide chapelle, elle frissonne, lorsqu’on découvre la frêle poitrine de son fils elle entend son petit cri aigu quand le sel symbolique fond sur la langue de l’initié. Elle écoute la voix grave du prêtre qui prononce les paroles sacramentelles.

« Marie-Joseph, Lorenzo, Maisonneuve, Pie, Paul, d’Artagnan, Laurier, je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »

Oh ! d’Artagnan ! Comme elle aurait voulu que ce nom héroïque fût porté par son fils ; c’était un rêve sentimental longtemps caressé. Mais le père en tenait pour Laurier. Dame, on est rouge ou on ne l’est pas. Et elle avait cédé.