Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/85

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Au cri d’amour, échappé de ces lèvres naïves, le cœur de la mère a vibré, son émotion contenue tombe en une pluie de baisers sur la tête du cher innocent qui sourit maintenant à travers ses larmes.

Ô Patrie, notre mère, en ce jour de ta fête nationale, comme mes aînés dans l’Art, je voudrais célébrer ta glorieuse beauté et forcer la lyre à suivre mes chants, mais hélas ! ma main tremble, je sens les cordes glisser sous mes doigts, je ne puis que jeter ce cri du petit enfant : Mère, je t’aime !

Oui, je t’aime, ainsi qu’on aime la vie simplement, instinctivement, comme on respire l’air du ciel. Que l’immensité de l’Océan s’interpose entre le Canada et nous, la nostalgie, cette variété du mal d’amour, nous étreint et comme une pieuvre boit jusqu’à la dernière goutte le sang de nos veines.

Transplantés sur une terre étrangère nous ne faisons que traverser un rêve. Notre âme est restée au pays, il ne faut parfois pour la ramener qu’un coin de paysage, qui rappelle la ferme de « chez nous, » une ronde de paysans, que le grand’père chantait pour nous endormir. La patrie, c’est le foyer où l’on naquit et grandit, le précoce bégaiement de l’enfant, la mère qui nous berce, le juvénile amour, la première larme, les espoirs, les chimères, les souvenirs, la langue avec ses dialectes, son patois qui n’a de sens que pour un certain nombre d’individus.

La Patrie, c’est le coin de terre où reposent les ancêtres, le ciel constellé d’étoiles, qu’ils ont comme nous souvent interrogé, sans en faire descendre le rayon qui éclaire les âmes ; le soleil fécondant le travail de nos braves laboureurs. C’est le Saint-Laurent, l’immense nappe d’eau douce coulant large et sereine au sortir des grands lacs, pleine de langueurs amoureuses. Mais la belle a des capri-