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Page:Côté - La Terre ancestrale, 1933.djvu/19

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LA TERRE ANCESTRALE

Hubert porta les regards vers cette mer exaspérée, puis, se tournant vers la jeune fille :

— Oui, c’est beau, mais moins que toi.

— Va donc, moqueur !

Elle s’était légèrement colorée, pressentant un début d’aveu. Mais le jeune homme confus déjà, n’osait continuer. Il en est presque toujours ainsi dans les campagnes québécoises : une certaine pudeur, une grande timidité, empêchent les jeunes gens de s’exprimer leur amour par des paroles ; ils ne sont pas habiles à ce jeu. Aussi, le regard, l’expression du visage, parlent chez eux plus que les lèvres. On pressent, on devine, on comprend ce langage muet ; enfin, on est certain de l’amour partagé. Hubert était ainsi : il ne savait pas épancher son cœur. Pour cacher son trouble, il s’empressa d’émettre la première idée qui lui frappa le cerveau.

— Tu trouves cela beau la campagne, Jeanne ? Moi aussi ; mais tout de même, c’est monotone de voir toujours les mêmes choses.

— Les mêmes choses ! Moi je trouve du nouveau à chaque jour. Regarde : aujourd’hui il vente et la mer gronde ; demain le temps sera calme, le ciel pur et le fleuve aussi clair qu’une glace. Un autre jour, c’est la pluie qui lave tout. Au printemps, les arbres et les prés