Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/210

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On a prétendu qu’avant d’avoir été « envoûté » par George Sand, Chopin éprouvait à son égard une réelle répugnance ; sans la détester, peut-être, il redoutait cette femme à « l’œil sombre », à qui l’on prêtait tant d’aventures.

George Sand a été diversement jugée ; mais ceux qui ont été à même de la bien connaître ont été généralement sévères pour cette « redoutable goule » qui ne suçait pas le sang de ses victimes, mais leur pompait le plus clair de leur génie. C’est encore Baudelaire qui l’a stigmatisée le plus vertement. Nous ne retiendrons de son virulent réquisitoire que ce passage : « La femme Sand est le prud’homme de l’immoralité. Elle a toujours été moraliste. Seulement elle faisait autrefois de la contre-morale… Elle a, dans les idées morales, la même profondeur de jugement et la même délicatesse de sentiment que les concierges et les filles entretenues… George Sand est une de ces vieilles ingénues qui ne veulent jamais quitter les planches[1]. » On peut rapprocher de ce jugement cruel celui non moins dur de Nietzche[2], à qui est dû le mot de « terrible vache à écrire », mot

  1. Baudelaire, Mon cœur mis à nu, XXII. (Œuvres posthumes et Correspondances inédites, publiées par Eugène Crépet, Paris, 1887.)
  2. Cf. Les flâneries inactuelles (1888), du Crépuscule des Poètes, traduit par Henri Albert. (Mercure de France, Paris, 1899.)